L’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 29 septembre 2020 rapporte la fin du match pour les activités sportives et culturelles de la marque « L’EQUIPE ».
Cet arrêt vient affiner, après une cassation partielle, les contours de la déchéance tirée de l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle. Les juges exposent notamment que le prononcé de celle-ci ne peut s’apprécier qu’en fonction de l’espèce. L’article précité précise qu’ « encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».
En l’occurrence, cette affaire oppose le propriétaire de la marque « L’EQUIPE », la société du nom éponyme, désignant des produits et service en classe 16, 25, 28, 38 et 41, au titulaire de la marque « EQUIP’SPORT », la société Sport Co & Marquage, désignant des produits et des services dans les classes 25, 28 et 41.
Pour rappel, en première instance le TGI de Strasbourg avait prononcé, en 2014, la déchéance de la marque « L’EQUIPE » de la classe 41. Selon la classification internationale, cela correspond à l’éducation, la formation, le divertissement, les activités sportives et culturelles.
Par la suite, cette décision avait été confirmée, en 2017, par la cour d’appel de Colmar. En outre, cette cour d’appel ne déclare pas la déchéance seulement sur la classe 41 ; les classes 25 et 28 étaient également visées.
Puis par une décision du 27 mars 2019, la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, seulement en ce qu’elle prononçait la déchéance de la marque de la classe 41. En effet la Haute juridiction reproche aux premiers juges d’appels de s’être bornés à simplement affirmer que – « sans indiquer les raisons pour lesquelles » – le public ne pouvait distinguer cette manifestation sportive d’une autre du même genre.
C’est dans ces conditions que la cour de cassation a renvoyé ce litige devant les juges d’appel de Nancy.
La question centrale de cette espèce n’a jamais été de savoir si la marque « L’EQUIPE » est une marque renommée, il n’en fait aucun doute ! Il était nécessaire de caractériser l’usage qu’il en était fait. L’exploitation de la marque doit être étudiée au regard du cas d’espèce. Rappelons que, selon l’article L.714-5 CPI est assimilé à un usage l’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque, c’est-à-dire par un licencié.
Par conséquent, le débat ne se place non plus sur le fait de savoir si la marque « EQUIP’SPORT » trouble la société L’Equipe de la jouissance de sa marque. Les juges s’interrogent, alors, sur l’usage que fait ce propriétaire de sa marque. Point sur lequel, les premiers juges d’appel s’étaient penchés, seulement ces derniers n’avaient pas – assez – explicité leur raisonnement.
En l’occurrence, afin de promouvoir sa marque, la société l’Equipe décida de conclure un contrat avec la société du même groupe Amaury Sport Organisation (ASO). Cette dernière créa et développa une course à pied, désignée les « 10km de L’EQUIPE ». La question posait à la cour d’appel est la suivante : ASO et « L’EQUIPE » ont-ils conclu un contrat de licence de marque ou un contrat de parrainage ? La réponse à cette question permettait d’emporter la conviction des juges sur la déchéance, ou non, de la marque de la classe 41.
En effet, les juges du fond de Nancy décident de s’appuyer sur la notion de licence de marque. Ces derniers s’attachent même à définir ce contrat, il « autorise le licencié à utiliser la marque pour développer une activité commerciale parmi celles visées à l’enregistrement moyennant le paiement par le licencié d’une redevance calculée généralement en fonction du pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par le licencié. La marque est ainsi exploitée par un tiers autorisé pour au moins un des produits ou services visés tel que précisé au contrat. » Dans le cadre d’une telle convention le titulaire de la marque octroie une autorisation de l’exploiter contre le paiement d’une redevance. Ce qui le différencie du contrat de parrainage, dans lequel le propriétaire va financer l’organisation d’un évènement, en contrepartie il sera autorisé à apposer sa marque.
Dans le litige pendant devant la cour d’appel, cette dernière a retenu que « L’EQUIPE » n’était pas utilisée pour désigner une activité sportive, mais pour promouvoir sa propre marque pour les produits médias à travers une opération publicitaire. Ce partenariat avait pour objectif la promotion de sa marque auprès du grand public.
Pour justifier son raisonnement, la cour d’appel opère un parallèle avec le secteur des assurances et banques. Elle relève que lorsqu’une « banque, une compagnie d’assurance ou un équipementier sportif réalise le parrainage d’un événement sportif organisé par une société tierce, il apparaît clairement que ces entreprises réalisent une opération publicitaire destinée à promouvoir leurs propres produits et services et non une activité sportive. » Ainsi, dès lors que l’opération publicitaire est destinée à promouvoir ses propres services ou produits, et non une activité sportive en tant que telle, elle ne serait pas qualifiée au titre de la classe 41.
Cette fois-ci les juges d’appel de Nancy apportent la justification manquante et indiquent qu’en présence d’un contrat de parrainage, et non de licence, la société n’a pas vocation à promouvoir une activité sportive. Elle démontre clairement sa volonté de réaliser une opération publicitaire liée à ses activités, en l’espèce de presse et de médias. Par conséquent, la déchéance de la marque en classe 41 a été prononcée. Notamment, parce que la période de 5 ans ininterrompue de non-usage sérieux était atteinte.
Toutefois, cette solution interroge.
S’il est vrai que le parrain d’un événement sportif a pour but principal d’exploiter ce dernier comme vecteur de promotion de sa marque (et, partant, des produits et services désignés par celle-ci), il n’en demeure pas moins que la présence de cette marque dans le cadre de l’événement parrainé peut constituer un « usage ». En d’autres termes, lorsque BNP PARIBAS affiche son logo à Roland Garros, il s’agit certes d’une opération publicitaire pour les services bancaires et financiers, mais comment nier l’usage qui en est fait à l’égard du tournoi de tennis ?
On conviendra qu’il ne s’agit pas d’une licence de marque et que les flux d’argent sont bien dans le sens inverse (le parrain qui rémunère l’organisateur de l’événement sportif plutôt que le licencié qui rémunère le concédant), mais ces questions financières doivent rester étrangères à celle de l’usage de la marque, seule question pertinente au regard de la déchéance.
Asim Singh Associé chez CPC & Associés et
Jean-Baptiste Bertrand stagiaire chez CPC & Associés
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Avocat aux Barreaux de Paris inscrit depuis 1999
et de New-York depuis 2001